• La transposition cinématographique est considérée par les théories sémiotiques comme une forme de traduction. R. Jakobson la place au sein de la distinction des trois modalités de traduction en l’appelant traduction intersémiotique, car elle traduit un système linguistique déterminé en un autre système, le langage cinématographique.
Le passage d’un système à l’autre se fait au travers de la transformation des différentes couches dont est constituée la langue de départ en celles du système linguistique d’arrivée: un langage peut donc être divisé en deux plans :
a) Le premier des deux est celui de l’expression qui correspond à l’expression (signifiants et règles qui en permettent la formation).
b) Le deuxième plan est celui du contenu, qui concerne la sphère de la signification et qui s’articule lui aussi en forme, substance et matière.
En partant des théories sur la stratification du langage du danois Hjelmslev, on peut retenir la traduction intersémiotique comme un processus qui propose les formes du contenu du texte de départ dans celui d’arrivée, mais aussi comme un processus dynamique pour activer et sélectionner le système de relations entre les deux plans linguistiques du texte de départ pour les traduire de façon adaptée dans celui d’arrivée.
Le terme transposition, en effet, rappelle tant l’idée de dépasser que celle d’aller au-delà du texte de départ, en le traversant et en en multipliant les potentialités sémantiques. Pour être fidèle, une traduction ne doit pas nécessairement respecter de façon précise le texte de départ, mais doit en reprendre l’esprit, en partant de la recherche de modèles équivalents nécessaires. Il faut penser la traduction de la littérature au cinéma non pas comme un film qui soit digne du roman, mais comme une nouvelle œuvre qui renforce celle d'origine.
Ce qui soutient une traduction, c’est le principe d’équivalence, pas en tant qu’identité mais en tant que similarité. La traduction intersémiotique représente donc un accord entre codes, sans en constituer une relation d’absolue identité. La traduction doit conserver de façon assez identique le sens du texte original et l’élargir sans contredire: le traducteur interprète le texte de départ sans s’en détacher, mais en se préoccupant de mettre en évidence ces particularités qui, selon lui, ont une importance fondamentale pour un meilleur rendu du sens dans le système linguistique d’arrivée.
Le traducteur, durant le processus de transposition, s’approprie des détails particuliers du texte de départ et les soumet à une série de choix, qui intéressent principalement l’aspect technique, en pouvant décider quels détails mettre en évidence et lesquels occulter.
Dans le passage du plan de l’expression du roman à celui du film, il n’y aura pas de traduction parfaite, car les deux systèmes sémiotiques sont caractérisés par différents degrés d’indétermination. Dans une œuvre littéraire, les objets présentent des éléments d’indétermination, qui apparaissent partout où il est impossible de les décrire. Dans un film, par contre, les images contiennent nécessairement tous ces détails qui peuvent ne pas être spécifiés dans la version littéraire, comme le costume d’un personnage, sa posture, l’organisation des espaces ; dont, comme l’a souligné Umberto Eco, la matérialisation devient le fruit du processus d’interprétation mis en œuvre par l’adaptateur-traducteur.